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Si les distances étaient calculées depuis le pont de Nihonbashi, le véritable point de départ de la route du Tôkaidô menant à Kyôto était Shinagawa. C'est ici que l'on faisait ses adieux aux voyageurs. Et donc ce va-et-vient perpétuel ainsi que le quartier ne pouvaient qu'inspirer les artistes de l'époque.
N°28 品川御殿やま Shinagawa Gotenyama
Gotenyama signifie la montagne du palais parce que figurez-vous qu'il y avait autrefois un palais. Mais même à l'époque d'Hiroshige, celui-ci n'existait déjà plus puisqu'il avait brûlé à la fin du 17ème s. A la place, on planta des cerisiers et l'endroit devint vite populaire notamment à cause de l'association cerisier et mer.
Parce que oui, aujourd'hui, on peut apercevoir la baie depuis Shinagawa mais la mer est encore loin. Ce qui n'était pas du tout le cas à l'époque om vous pouviez ramasser les coquillages les pieds dans l'eau comme on peut le constater sur l'estampe.
Cependant, y compris à l'époque d'Hiroshige, ce lieu devait radicalement changer car on y prélevait la pierre nécessaire à la construction de fortins maritimes. Suite à l'arrivée des navires du commodore Perry, les autorités commencèrent à s'inquiéter de la défense côtière.... trop tard.
Aujourd'hui, plus de cerisier, plus de vue sur la mer ni de falaises mais des immeubles, des gares et des routes.
N°83 品川すさき Shinagawa Susaki
Comme je l'ai dit, Shinagawa est un lieu de passage. D'ailleurs, le mot Shinagawa qui signifie rivières de marchandises met bien en valeur l'importance du commerce dans cet ancien faubourg de la ville. De plus, c'était un lieu de plaisance réputé puisqu'il rivalisait avec Yoshiwara et habritait de nombreuses maisons et auberges où l'on se faisait servir par de jeunes filles appelées meshimori 飯盛女.
Et c'est probablement de l'une de ces maisons que ce paysage fut représenté. On voit également dans le coin droit, l'étage éclairé de ce qui pourrait être la plus célèbre d'entre elles : Dozo Sagami.
Au fond, la baie de Tokyo avec sur la droite un bout des fortins dont je viens de parler plus haut qu'on appelle odaiba et au centre un pont, une langue de terre, "susaki" en japonais, et un temple dédiée à Benzaiten déesse de l'eau et du bonheur.
Mis à part la splendide vue, ça n'a pas beaucoup changé. Il y a des auberges, des endroits pour se restaurer et surtout le temple Kagata jinja qui est aussi connu pour sa butte de la baleine. La langue de terre est plus étendue maintenant, quelques maisons s'y sont construites mais les bateaux viennent s'amarer non loin.
N°82 月の岬 Tsuki no misaki, le cap de la lune
Nous voilà donc plongé au coeur d'une de ces maisons. Toutes les cloisons sont ouvertes, nous permettant de voir non seulement les bateaux qui voguent au loin mais aussi la pièce où vient de se terminer une fête.
On peut apercevoir les restes de nourriture près du lampadaire, le manche d'un shamisen à terre...
L'ombre d'une femme est visible sur la droite, une courtisane.
Ici, il n'y a pas d'éléments topographiques pour nous aider à localiser précisément l'endroit mais les spécialistes affirment que l'estampe se situerait sur le mont Yatsuyama qui subit le même sort que Gotenyama.
N°81 高輪うしまち Takanawa ushimachi
Hiroshige aime faire des jeux de mots/images.
Takanawa signifie grande roue et ushimachi veut dire la ville des boeufs d'où la présence d'une charrette au premier plan.
Ensuite, les restes d'une courge sont pour l'automne car les estampes étaient classées par saison et le soulier tressé qui traîne à terre est un indice pour les voyageurs. C'est à partir de porte de Takanawa que la route du Tokaido naît et c'est ici qu'un voyage prend fin ou commence !
Pourquoi ushimachi ? En fait, le nom du quartier était kurumacho, le quartier des charrettes. Ca reste très agricole tout ça me direz-vous.
Le quartier fur fondé en 1634 avec l'arrivée massive de boeufs et de charrettes destinés à transporter le matériel nécessaire à la construction du Zojô-ji et puis les travaux continuèrent dans toutes la ville. Ceux qui y avaient participé eurent le droit de s'installer dans le quartier d'Ushimachi. Cependant, même à l'époque d'Hiroshige, les boeufs attelés étaient rares bien qu'il en restait quelques têtes appartenant à de grands seigneurs qui les utilisaient pour de grands projets d'urbanisme.
Je suppose que le seul endroit où je verrai des boeufs sera à la ferme de Tokyo. Cependant, de nos jours il y a autre chose d'intéressant : la vue se trouve à proximité du Segaku-ji où reposent les 47 rônins et du seigneur d'Ako, Asano leur maître.
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Meshimori onna (飯盛女) ou meshiuri onna (飯売女), que l'on pourrait traduire par celle qui sert des repas/vend des repas.
C'est le nom des serveuses dans les auberges situées dans les villes-relais le long de voies de passage pendant la période Edo.
Les routes devenant de plus en plus empruntées et le nombre d'auberges augmentant, ces servantes étaient souvent engagées comme prostituées afin d'attirer un plus grand nombre de voyageurs.
En 1718, le shogunat fit paraître un décrêt limitant le nombre de meshimori à 2 par auberge ce qui tacitement autorisait l'emploi d'un nombre limité de prostituées dans les auberges.
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Kagata-jinja 利田神社
Située à 5 min de la station Kita-Shinagawa, ce temple fut érigé par un moine nommé Takuan (il venait du Tôkai-ji) suite à l'apparition d'un banc de sable en 1626. Ce petit temple était le Susaki Benten où l'on venait prier la déesse Benzaiten.
Entre 1774 et 1834, le quartier se développa sous la direction de Kagata Kichizaemon. Le temple et son quartier se nommèrent alors Kagata.
Ce temple est donc dédié aux divinités :
Ichikishima-hime-mikoto aka Benzaiten et contient également un petit temple pour Kanazuchi Inari
Ce temple est aussi connu pour sa motte/monticule de la baleine. En 1798 un cétacé vint s'échouer sur la côte. On présenta d'abord l'animal au palais de Hama où le shogun en personne vint le voir. Ensuite, les os furent enterrés au temple de Kagata surmontés d'un monticule de terre.
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Oui, ça fait un sacré chemin.... c'est plutôt agréable quand il fait beau.
On commence notre route pas très loin de la station Yurakucho.
A l'époque d'Hiroshige il y avait :
N°114 びくにはし雪中 Bikunihashi setchū,ont Bikuni sous la neige.
Aujourd'hui, pas très loin du palais impérial, à l'époque c'était la demeure du shogun, le pont Bikunibashi est situé près de la douve extérieure Sotobori et passe par-dessus la rivière Kyobashi (cherchez pas, tout à disparu !). Normalement, bikuni désigne les nonnes et dans certains cas, comme ici, les prostituées qui se travestissaient en nonne pour mieux passer inaperçue (Whoopi Goldberg dans Sister Act n'avait rien inventé !).
On imagine Ginza avec tous ses magasins de luxe aux articles hors de prix mais ce que nous montre cette estampe, c'est que le quartier abrite surtout des maisons de passe, des endroits où l'on mange à bas prix, des yatai. En effet, la pancarte à gauche indique yama kujira "baleine des montagnes" ce qui désigne de la viande d'animaux sauvages : sanglier, cerf mais aussi tanuki, et j'entends le loup, le renard et la belette... La consommation de viande est proscrite dans le bouddhisme mais malgré tout tolérée.A droite, ce sont des patates douces qui sont vendues et un marchant ambulant traverse le pont.
Bref, à l'époque, c'est un lieu mal famé.
De nos jours, c'est une entrée d'autoroute.
On continue direction la rivière et on tombe sur :
N°73 市中繁栄七夕祭 Shichū han'ei Tanabata matsuri, la ville prospère , le festival de Tanabata
Les seules choses qui prospèrent dans le quartier, ce sont les buildings et les affaires.
Cette estampe aurait été faite depuis le toit de la maison d'Hiroshige. On y voit la tour des pompiers du district de Yayosu, c'est la charge qu'il exerçait (oui, on peut-être pompier et avoir une âme d'artiste) et qu'il légua à son fils.
Ici on retrouve les bambous où on accroche les différentes décorations pour célébrer tanabata comme un filet de pêche, des serpentins et aussi d'autres ornements moins habituels comme une courge, une tranche de pastèque ou une courge.
Aujourd'hui, c'est un bâtiment de la compagnie Bridgestone qui occupe le lieu.N°76 京橋竹がし, Kyōbashi Takegashi le quai des bambous et le pont de Kyōbashi
On continue vers la Sumida, mais on fait une petite boucle vers le Sud direction le pont de Tsukuda Oohashi.
N°78 鉄砲洲築地門跡, Teppōzu Tsukiji Monzeki, Teppozu et le temple de Tsukiji Monzeki
Teppozu est surtout le nom d'un banc de sable sur la Sumida. A l'époque d'Hiroshige, il n'y a pas grand chose dans le coin : on y a installé les courtisanes sorties des quartiers rouges, bien sûr ceux qui les entretiennent ne sont pas bien loin car il y a les maisons des riches militaires avant qu'au 19ème s. les étrangers y élisent domicile.
La principale activité se résume, comme on peut le voir avec les bateaux au premier plan, à la pêche.
Et là, ça devrait faire tilt avec le titre : pêche - Tsukiji.
Oui, c'est ce à quoi ressemblait Tsukiji à l'époque d'Hiroshige.
Certes, maintenant le grand marché à disparu pour s'installer à Toyosu. Comme quoi, Tokyo est en perpétuelle mutation. Cependant, à l'époque l'attraction principale n'était pas encore le marché mais le temple dont le toit accroche le regard au fond de l'estampe.
C'est le Nishi-Honganji. Là aussi cela devrait vous être familier si vous êtes déjà allé à Kyoto car c'est un des temples principaux de la ville.
Or en 1617, une annexe s'installe à Edo.... mais pas là où il se trouve sur l'estampe puisqu'au départ le temple était à Asakusa. Jusqu'à l'incendie de 1657. Le shogunat interdit sa reconstruction car il avait d'autres projets. Comme une grande majorité des adeptes de l'école Jodo-shinshu, le courant de pensée du temple de Hongan-ji, vivent à Tsukudajima (notamment une grande majorité de pêcheurs d'Osaka), le temple est reconstruit sur ces terres.
D'ailleurs, cela se retrouve aussi dans le nom de Tsukiji dont les kanji se lisent comme "terre aménagées".
Et là, vous allez me dire que c'est pas le bon temple, le nom est différent... En fait, le temple s'appelle jusqu'en 1923 Tsukiji Gobo, Hiroshige le nomme Monzeki. C'est la même signification : un temple d'une grande importance dirigé ou fondé par un chef religieux.
1923 c'est la date du grand séisme du Kanto, le Hongan-ji actuel fut achevé en 1934. Il est d'ailleurs assez impressionnant avec son architecture qui imite une sorte de temple indien. Mais à l'époque d'Hiroshige aussi il était en reconstruction suite à une grande tempête. C'est peut-être pour ça que nous n'en avons pas plus de détail dans cette estampe.
Bref aujourd'hui, il n'y a plus le marché aux poissons, mais le temple demeure est reste aussi connu pour son mémorial du guitariste de X Japan, Hide.
Je n'ai plus la photo du Hongan-ji et sur place, j'ai pris une photo du pont Tsukuda oohashi mais dans la direction opposée, vers la Sky Tree.
N°55 佃しま住吉の祭, Tsukudajima Sumiyoshi no matsuri, Tsukudajima et le festival Sumiyoshi
Nous y voilà à Tsukudajima. Aujourd'hui située au Nord de la station Tsukishima.
Son nom remonte au début du 17ème s. lorsque que Tokugawa Ieyasu y fit transférer du village de Tsukudamura 33 pêcheurs de shirauo, poisson servi à la table des shôguns (cf estampe ci-dessus).
Ils auraient aussi eu pour fonction de servir de police secrète. Installés sur l’île, les pêcheurs y introduisirent le culte de la divinité du sanctuaire Sumiyoshi-jinja, protectrice des navigateurs.
Le sanctuaire était célèbre grâce à son fujidana, sorte de tonelle sur laquelle on faisait grimper des glycines (fuji) dont on contemplait les fleurs en mai. Mais il est surtout célèbre grâce à son matsuri qui a lieu tous les 3 ans le 6ème jour du 8ème mois. On sortait l’énorme tête du lion shishi et les mikoshi étaient plongés dans la mer.
Tsukudajima vous donne l'impression d'être coincé dans une bulle temporelle. On ne revient pas à l'ère Edo, mais il y a un je ne sais quoi de ce qu'on imaginerait être le Tokyo d'antan. Le temple et les shishi y sont toujours, vous pourrez les observer tout au long de l'année.
N°77鉄砲洲稲荷橋湊神社, Teppōzu Inaribashi Minato jinja, Pont Inari et le temple Minato à Teppōzu
Au premier plan, on peut voir les mâts de deux bateaux puis au loin le pont qui enjambe le canal Hatchobori. Ce canal traverse toute la ville avant de se jeter dans la Sumida et doit son nom justement parce qu'il fait 8 cho, soit 870m.
Les canaux sont rarement profond, donc les bateaux déchargent leurs marchandises qui seront ensuite transportées jusque dans divers entrepôts que l'on aperçoit ici. Ce sont les bâtiments blancs de part et d'autre du canal.
La clôture rouge abrite l'un des plus vieux sanctuaire shinto de la capitale : Inari jinja. Il se trouvait sur le banc de sable Teppozu ainsi nommé car on s'y entraînait au tir de canon.
Il y avait aussi les demeures des maîtres d'Hatchobori : les yoriki et les doshin. Ils sont en bas de l'échelle des samouraï. Les premiers font partis du Conseil municipal, ils ont un salaire très bas souvent compensés par des pots-de-vin. Ils sont aidés les seconds qui servent de gardiens de la paix qui recrutaient eux-mêmes d'autres policiers parmi les habitants.
Le temple est toujours là, le canal, le pont aussi.... pour les membres du conseil et les policiers véreux, je n'ai pas été vérifier.
N°4永代橋佃しま, Eitaibashi Tsukudajima, Tsukudajima et le pont Eitai
L'amour d'Hiroshige pour les piles de pont !
C’est une vue sur l’île depuis l’embouchure de la Sumida. Du pont, on ne voit qu’une de ses piles. C’est également un des plus anciens et un des plus grands de la Sumida, il serait d’après la légende, construit avec les restes du monastère Kan-eiji en l’an 2 Genroku.
Il était souvent endommagé à cause des inondations et sa réparation demandait une forte dépense. Le gouvernement décida de le détruire ce qui provoqua un tollé parmi les habitants. Les dépenses furent prises en charge par les habitants via un droit de péage dont seuls les samourai, les moines et prêtres étaient exempts.
Sur l’estampe, on peut voir une scène de pêche au shirauo. Pour attirer les poissons, on allume des feux la nuit.
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